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affiche Aferim

Aferim

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Un film de Radu Jude ,
Avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu,,

Genre : Western
Durée : 1H48
Roumanie

En Bref

"Le riche se regarde dans son miroir le pauvre dans son assiette."

Il était une fois un brigadier, Costandin, et son fils Ionita partis sur les routes de la Valachie, future Roumanie quand elle sera rattachée à la Transylvanie, et de la Moldavie en 1859. Dans la langue originale le pays se nomme Țara românească, le pays roumain ou la terre roumaine. Ils poursuivent Carfin, un Tzigane, appelé aussi Corbeau, dans ce pays coincé entre la botte russe et le turban ottoman. Les boyards, seigneurs de la région, et les moines orthodoxes asservissent le peuple, celui -ci se venge sur les Tziganes, au bas de l’échelle, les intouchables de la province. Le pauvre Carfin commet contre sa raison un acte vil et sournois qui en cette année 1835 ne pardonne pas.

Tout cela pour une affaire de coucherie avec la femme de son maître, une vieille noble aux sens affolés, coucher ou ne pas coucher, telle est la question ! Le pays se meurt sous l’effet du choléra étendant sa main funèbre sur les villes et les campagnes. La route est entrecoupée de rencontres cocasses comme ce moine antisémite, des paysans roublards, une taverne où se refait le monde, et un pauvre ère pris dans la toile de sa condition de misérable. Ils traversent les campagnes tout en devisant sur la nature humaine, le monde, propos agrémentés de quelques proverbes des crus. Le brave brigadier promet au coupable que la justice se montrera clémente, qu’il intercédera auprès du Boyard pour que le châtiment se limite à quelque coup de fouet.


« Le pauvre prie plus que le riche, il a le  temps."

En regard du monde extérieur où déjà pointe la révolution industrielle, le pays semble figé dans un certain archaïsme moyenâgeux quand les serfs ne valaient pas grand-chose. Le film emprunte les apparences du western à là John Ford, noir et blanc expressif, pictural et granuleux. Le cadre se compose de longs paysages en scope propre à l’utilisation des grands espaces dans le western. Il se resserre aussi sur les visages  à l’exemple la séquence de la taverne avec ses trognes inoubliables. Il puise sa source entre le cinéma américain des précurseurs et celui du western, John Ford, Raoul Walsh, etc. Il n’oublie pas le grand cinéma russe de Sergueï Eisenstein, etc. Le premier plan, deux cavaliers, silhouettes dans un grand paysage appartiennent à la mythologie du western, un shérif et son adjoint et un indien échappé de sa réserve. Pourtant, Aferim est un conte sur l’existence où la morale deviendrait « ne laisse pas tes sens te guider ou tu craindras la mort ». Il prend le ton picaresque, le cheval de la drôlerie pour nous conduire à travers les terres, portant un regard ironique sur le monde d’aujourd’hui à travers hier.

"Si on ne sait pas la vie misérable qu'on mène, qui le sait"

Un conte de vie, le film renvoie par sa réflexion profonde sur notre époque où la mentalité ne semble guère avoir évolué pour certains. Le tzigane, rom aujourd’hui, garde toujours le statut de bouc émissaire à l’échelle de l’Europe. La longue errance des deux personnages permet au spectateur de découvrir un monde archaïque, figé dans le temps où le pauvre comme aujourd’hui n’a guère de raison d’espérer en une vie meilleure. La société est clairement divisée entre les riches, les moines gras, les pauvres paysans corvéables et en bas de l’échelle le mendiant, le tzigane. Les différentes rencontres permettent au réalisateur de nous raconter par ses personnages, comme le moine, la vision d’un monde aujourd’hui dépassé heureusement. Par exemple, le prêtre explique que les Tziganes sont les fils de Cham, fils de Noé, venu d’Égypte. De la même manière un autre nous explique que si Adam lui-même dérouille sa femme alors pourquoi s’en priver ! Les images d’Épinal, les idées reçues possèdent la vie dure et semblent bien accrochées au terreau de la société.

En écho à la vision du pays, le père scande des proverbes et enseignements de vie à l’intention du gamin, jusqu'à la scène où il perd sa virginité dans les bras d’une dame de petite vertu. Nous retrouvons tous les éléments du conte de vie dans cette balade qui les conduit aux frontières du monde. Le seul qui connaît les pays lointains Paris où les riches ne battent pas leurs domestiques est le tzigane. Il devient le narrateur sur la vie ailleurs, les merveilles, le rêve d’un monde utopique qu’ils n’atteindront jamais. Lui  le paria l’a pourtant vu, pied de nez à la condition humaine. Le duo du père et du fils nous rappelle un autre duo célèbre, Don Quichotte, le chevalier à la Triste Figure et Sancho Pansa qui maniait le proverbe comme Costandin. Si le but n’est pas le même, le voyage dans le fond, celui de nous faire découvrir un monde, semble bien identique. Carfin le Tzigane appartient au folklore du conte, la figure de l’étranger, de l’inconnu, de la nuit sombre qui fait peur. D'ailleurs, le fils change d’avis.

« Si on n’était pas juste, le pays irait au diable. »

En conclusion, nous nous interrogeons sur où se trouve la justice quand on n’est rien. Elle est peut-être planquée dans le giron des riches à faire ripaille de l'innocence. Le voyage apporte la triste réalité que rien ne change ou ne changera. Il nous interroge  et nous renvoie forcément à notre époque. En regardant le passé, c’est le présent et le futur à construire que nous propose Radu Jude dans ce film à ne pas manquer.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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Titre original : Aferim!

    Réalisation : Radu Jude

    Scénario : Radu Jude, Florin Lazarescu

    Photographie : Marius Panduru

    Montage : Catalin Cristutiu

    Musique : Dana Bunescu

    Production : Ada Solomon

    Société de production :

    Société de distribution : Parada Film

    Budget : 1 250 000 millions EUR

    Pays d'origine : Roumanie

    Langue originale : roumain

    Format : noir et blanc

    Genre : drame

    Durée : 108 minutes

    Dates de sortie : France : 5 août 2015

Distribution

     Teodor Corban : Costandin

    Mihai Comanoiu : Ionita

    Toma Cuzin : Carfin

    Alexandru Dabija : Iordache

    Luminita Gheorghiu :

    Victor Rebengiuc :

    Alberto Dinache :

    Alexandru Bindea :

    Mihaela Sirbu :

    Adina Cristescu :

    Serban Pavlu :

    Gabriel Spahiu :