Nous sommes en 1941 sous l’occupation. Monsieur Haffmann, bijoutier de son état, décide que l’heure est à la fuite. Il passe un pacte avec son ouvrier, François, un homme simple. Pendant la durée du conflit, il s’occupera de la boutique qu’il lui revend. Les papiers signés, une partie de la famille part en zone libre. François et sa femme, Blanche, peu convaincue, s’installent dans la maison. Un concours de circonstances force Monsieur Haffmann à rester enfermé dans la cave. Jusqu’ici, tout va bien. Le deal est respecté et Monsieur Haffmann, bien dissimulé. François propose un autre pacte à son ancien patron. Stérile, il lui propose d’engrosser sa femme contre son silence. C’est à partir de cet instant que le ciel s’assombrit et que les rôles s’inversent. Sous le succès de la bijouterie auprès des occupants et plus particulièrement d’un officier, François change d’attitude. Il n’est pas le seul. Blanche trouve le comportement et le deal de son mari repoussants. Elle change peu à peu et se ligue avec Monsieur Haffmann contre François. Au cœur de la guerre, la valse des sentiments et des valeurs peut vous transformer en profondeur.
« Il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais » Les caractères de La Bruyère (1670).
Au dernier festival de Sarlat, Monsieur Haffmann rafle la majorité des prix, Salamandre d’or et prix d’interprétation pour Sara Giraudeau. C’est d’abord un huis-clos oppressant comme l’atmosphère qui plane sur la France de l’époque. Monsieur Haffmann se retrouve prisonnier dans son propre commerce. Le film crée une ambiance noire en réduisant l’espace, en le marquant de la cave à l’atelier et au premier étage. Pour nous, il redéfinit un enfer au sous- sol, dans les ténèbres, un purgatoire au cœur de l’atelier et de la boutique et un paradis, la liberté, au premier étage. La caméra ne sort que pour nous montrer la débauche de l’occupant et la pression sur les rues alentours. Au fur et à mesure, nous découvrons le monde extérieur décadent et la transformation de François l’ouvrier.
Adieu Monsieur Haffmann prend des allures de thriller oppressant en chambre close. Fred Cavayé adapte la pièce de Jean-Philippe Daguerre (2017), jouant le minimalisme. C’est un jeu des sentiments et des valeurs qui mènent une valse dans le cœur des humains. Monsieur Haffmann pense trouver dans cet ouvrier simple un homme de confiance. Dans un premier temps, septique, François et surtout Blanche, refusent. Le pacte part d’un bon sentiment dans le cœur de François et d’un doute dans celui de blanche. Peu à peu ils s’inversent. L’ouvrier considère comme acquis la petite affaire. Le thème central devient la capacité d’un homme simple à se transformer en salaud. La capacité d’une jeune femme naïve à se révéler et lutter pour le bien. La capacité d’un brave homme, pris dans un étau qu’il ne peut plus contrôler.
Au final, Monsieur Haffmann invite le diable à sa table. Dehors, c’est l’enfer qui exulte et braille sous l’emprise de ses démons. C’est à l’intérieur des personnages que tout se joue. Chacun endosse le costume des ténèbres à la lumière. Daniel Auteuil, admirable, retrouve ces personnages taiseux à la Claude Sautet. Gilles Lellouche nous offre une partition sans exagération d’un homme doublement jaloux. Du succès de son patron qu’il s’accapare et de sa capacité à planter la graine. Quand à Sara Giraudeau, remarquable, elle peut enfin dévoiler toute la force de jeu d’une immense actrice. Adieu Monsieur Haffmann ouvre un autre pan de l’Occupation. Après la collaboration, l’épuration, c’est un autre sujet délicat abordé avec talent. C’est un peu une étude des caractères à la façon de La Bruyère en pleine période sombre.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus
Commentaire du réalisateur Fred Cavayé
Scènes coupées
Réalisation : Fred Cavayé
Scénario : Fred Cavayé et Sarah Kaminsky, d'après la pièce de théâtre de Jean-Philippe Daguerre
Chef décorateur : Philippe Chiffre
Production : Vanessa Djian, Fabrice Gianfermi, Philippe Rousselet, Patrice Arrat, Gauthier Lovato
Sociétés de production : Vendôme Production, Dadai Films, France 2 Cinéma et Belga Production
Distribution : Pathé cinéma
Genre : comédie dramatique, historique
Pays d'origine : France, Belgique
Date de sortie : 12 janvier 2022
Distribution
Daniel Auteuil : Joseph Haffmann
Sara Giraudeau : Blanche
Gilles Lellouche : François Mercier
Nikolai Kinski : commandant Jünger
Mathilde Bisson: Suzanne
Anne Coesens : Hannah
Tiago Coelho : Maurice Haffmann
Néma Mercier : Dora Haffmann
Alessandro Lanciano : André Haffmann
Frans Boyer
Distinctions
Salamandre d'Or au Festival du film de Sarlat 2021
Prix d'interprétation pour Sara Giraudeau au Festival du film de Sarlat 20217