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affiche '71

'71

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Un film de Yann Demange,
Avec Jack O'Connell (II), Paul Anderson (III), Richard Dormer,

Genre : Guerre
Durée : 1h39
Royaume-Uni

En Bref

Belfast, 1971.

Tandis que le conflit dégénère en guerre civile, Gary, jeune recrue anglaise, est envoyé sur le front. La ville est dans une situation confuse, divisée entre protestants et catholiques. Lors d’une patrouille dans un quartier en résistance, son unité est prise en embuscade. Gary se retrouve seul, pris au piège en territoire ennemi. Il va devoir se battre jusqu'au bout pour essayer de revenir sain et sauf à sa base.

D’aucuns penseront Yann Demange sorti de nulle part. Pourtant, le cinéaste franco-algérien élevé à Londres a réalisé des épisodes de plusieurs séries télé de la BBC (Criminal Justice, Le Journal intime d’une Call Girl) et se trouve surtout derrière l’excellent Dead Set. En 2008, au milieu des Dexter, Supernatural et autres productions calibrées, la mini-série faisait figure d’œuvre ultime, aussi bien dans la mise en scène que dans l’intrigue. Bref, le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai et décide de se pencher sur un thème bien connu pour son premier long-métrage : le conflit en Irlande du Nord. Un conflit récent qui a nourri le cinéma à travers des œuvres notables comme Au nom du père, Hunger ou encore le sidérant Bloody Sunday de Paul Greengrass. Sans prétendre à égaler ces chef-d' œuvres, Demange signe un film coup de poing, plus proche du thriller et du survival que du film politique dénonciateur. Prometteur.


D’un postulat en apparence simple : deux soldats sont laissés-pour-compte dans le camp ennemi, le réalisateur fait basculer son film du côté du thriller palpitant, et ce dès les premières séquences. On comprend alors très vite que ’71 n’est pas là pour dénoncer les blessures du passé ou pour nous donner des leçons sur l’horreur de la guerre mais bien pour nous livrer un divertissement palpitant, un récit cinégénique d’une tension galvanisante. Ainsi, au fil de la progression de son personnage dans le camp ennemi, Demange va s’évertuer à montrer les rouages d’un conflit, jusque dans ses pires aspects.

C’est dans cette propension à balloter son héro entre mains amies et mains ennemies tout en brouillant progressivement les pistes que le scénario excelle. Entre les autorités qui veulent faire le moins de remous possible, les jeunes aux dents longues qui veulent en découdre, les pontes du conflit qui manigancent et les civils qui ne savent pas toujours comment réagir face aux blessés, le scénario dépeint avec justesse les ficelles et les acteurs du conflit mais surtout le panier de crabe complexe qui se tisse à travers les alliances et les ententes. Dans ce véritable champ de mines, notre héro évolue sur la pointe des pieds, conscient que le danger se trouve derrière chaque individu, que ce soit ce gamin croisé au coin d’une rue ou ce père et sa fille qui le recueillent, jusqu’à ce flic ripoux qui s’engage à l’aider… A travers ces rencontres plus ou moins fortuites, Demange pose des questions pertinentes sur la valeur humaine, la trahison et surtout le poids de la corruption dans un paysage oppressant.

Parlons-en du paysage d’ailleurs. Pour accompagner Gary au fil de ses pérégrinations, le décor tient place de personnage secondaire dans le récit, du dédale de rues sombres au pub où il fait un arrêt, jusqu’à l’immense bloc-immeuble qui occupe une partie de l’intrigue. On remarque aussi le travail appliqué réalisé sur l’esthétique et la photographie pour se rapprocher de l’image des années 70, intelligemment mise en lumière pour évoquer une ville terne et oppressante. De même, on peut saluer la mise en scène tantôt dynamique tantôt en retrait mais toujours rythmée qui prend toujours un recul appréciable par rapport à son sujet et le parfait sens du cadre et de la composition du réalisateur. Caméra à l’épaule quand il faut suivre Gary dans sa course et plans larges magnifiques, Demange ne démérite pas sur le plan technique. Même si on sent que par moment, lorsque l’urgence n’est plus, il a un peu de mal à faire vivre ses personnages et ses enjeux dramatiques et utilise donc des effets un peu faciles (opération chirurgicale dans l’appartement…).

En face, on redécouvre Jack O’Connell après le très bon Des poings contre les murs, dans un rôle autrement froid et violent. Découvert dans la série trash Skins et révélé dans le drame de David Mackenzie, le jeune acteur confirme qu’il maitrise à la perfection ces rôles extrêmes ; quand on lit dans son regard à la fois l’innocence perdue à tout jamais et la détermination d’un homme désormais prêt à tout pour s’en tirer, on évalue aisément l’intensité de son engagement. Sidérant.

Après une chute percutante, on ressort de ’71 sur les rotules, forcément impressionné par les moyens mis en œuvre par Yann Demange et son acteur. Sous des apparences simplistes, le réalisateur signe une leçon de bravoure, de sacrifice et d’intelligence tout en soignant son motif. Un survival infernal, un triller palpitant, un film d’action politique, un film de guerre poignant, ’71 est surtout un témoignage sur l’humain, quelque soit son camp, son rôle, ses motivations, qu’il soit militant, civil, militaire ou agent double. Un humain qui tente de rester en vie dans ce chaos.  

Eve Brousse

Note du support : n/a
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Titre : '71

Réalisation : Yann Demange

Scénario : Gregory Burke

Direction artistique : Chris Oddy

Décors : Nigel Pollock

Costumes : Jane Petrie

Montage : Chris Wyatt

Photographie : Tat Radcliffe

Production : Robin Gutch et Angus Lamont

Sociétés de production : Crab Apple Films et Warp Films

Sociétés de distribution : StudioCanal

Pays d’origine : Royaume-Uni

Langue : Anglais

Durée : 99 minutes

Format :

Genre : Drame de guerre

Distribution

Jack O'Connell : Gary

Sean Harris : le capitaine Sandy Browning

Paul Anderson : le sous-officier de la Military Reaction Force Lewis