Initialement tirée de la série 21 Jump Street, qui a notamment lancé à la fin des années 80 la carrière de Johnny Depp, la saga surprend en 2012 avec son adaptation libre de l’original qui choisit de prendre un virage à 90° dans l’humour débridé et crétin. Malgré les réticences de certains afficionados de la série, le premier opus rencontre un succès inattendu et enthousiasme les foules à l’idée d’une suite. Il était donc entendu que Christophe Miller et Phil Lord allait rempiler pour un 22 Jump Street du même goût. Mais alors que le formatage inhérent aux sagas hollywoodiennes de cette dernière décennie les guette, les auteurs choisissent de faire un pied de nez permanent à la notion même de suite, en témoigne le speech du commissaire Hardy lorsqu’il remet leur mission à Schmidt et Jenko : « Faites la même chose que la dernière fois et tout le monde sera content ». Heureusement, cette règle ne s’applique pas au scénario, enfin pas tout à fait puisque nos deux policiers ne sont plus infiltrés au lycée pour mettre à découvert un réseau de trafiquants mais à la fac pour démanteler un trafic de drogues. Nuance.
Plus qu’un simple copié-collé de 21, l’enjeu de ce deuxième opus est plus complexe à appréhender. Passé l’effet de surprise de son prédécesseur, il lui fallait conserver son esprit dément et sa dimension décomplexée tout en continuant à surprendre. Force est de constater que les scénaristes ont mis la gomme et ont redoublé d’inventivité pour donner à ce 22 Jump Street un petit goût d’inédit dans la même dimension béotienne et hallucinée en imaginant des gags absolument inédits. Ils vont par exemple faire la part belle aux clichés des teen-movies en taillant un short aux fraternités de sportifs bien virils aux occupations machistes et aux tendances homosexuelles et en laissant le petit gros du campus séduire et emballer la belle nana. Rapidement, le film prend des allures de critique acérée du blockbuster hollywoodien, allant jusqu’à tacler les buddy movies traditionnels et les films d’action bourrins genre Fast and Furious ou Bad Boys. Sans oublier l’un des principaux ressorts comiques de la besogne, la « bromance » entre Schmidt et Jenko, sincère et pleine d’osmose, qui va parodier avec tact les tics des romances d’aujourd’hui. Convoqué plus souvent que dans 21, le rire est dû à l’enchainement frénétique de gags qui surfe avec un sens de la dérision propre à Lord/Miller sur les tabous comme l’homosexualité ou le racisme, sans faire dans la surenchère.
Face à ce martelage de bouffonerie et de « on fait exactement la même chose que dans le premier ! », l’intrigue à proprement parler passe rapidement au second plan pour laisser le spectateur se concentrer sur les personnages et sur la mise en scène qui n’a jamais été aussi débridée et personnelle. Ralentis amplifiés, “high five“ qui sortent de l’écran, angles inédits, le duo Lord-Miller nous offre un point de vue immersif original appuyé par une bande originale du tonnerre. Mais la principale valeur ajoutée de l’ensemble tient bien dans l’osmose comique du tandem Channing Tatum/Jonah Hill. Bénéficiant d’un réel développement de leurs personnages, ils vont tous les deux évoluer et montrer une facette méconnue de leur personnalité. Tandis que Schmidt dévoile son côté fleur bleue, Jenko va traverser une quête identitaire qui va passer par un besoin de reconnaissance masquant des regrets passés. Si le talent du premier n’est plus à démontrer, on découvre enfin tout le potentiel comique et le charisme de Channing Tatum au delà des muscles et de la belle gueule.
Diablement intelligent, 22 Jump Street a su se jouer de son principal handicap (la redite) pour en faire sa force. Sans effet de surprise, le film hérite tout de même d’une grande fraicheur burlesque grâce à son humour décomplexé qui ne verse pas dans la vulgarité facile pour autant (décidemment légion ces derniers temps) et à ses deux têtes d’affiche délirantes. Pour finir en beauté, les deux créateurs n’hésitent pas à pousser la parodie jusqu’au bout avec un générique de fin redoutable qui colle parfaitement avec la démarche du film en repoussant à l’infini les limites de cette saga délire sans fin.
Eve BROUSSE
Titre original : 22 Jump Street
Réalisation : Phil Lord et Chris Miller
Scénario : Michael Bacall, Rodney Rothman et Oren Uziel, d'après une histoire de Michael Bacall et Jonah Hill, d'après la série télévisée 21 Jump Street créée par Stephen J. Cannell et Patrick Hasburgh
Musique : Mark Mothersbaugh
Photographie : Barry Peterson
Montage : David Rennie
Décors : Steve Saklad
Costumes : Leesa Evans
Direction artistique : Scott Plauche
Production : Jonah Hill, Neal H. Moritz, Channing Tatum
Producteurs délégués : Brian Bell et Tania Landau
Producteur associé : Will Allegra
Sociétés de production : Columbia Pictures, Metro-Goldwyn-Mayer et Original Film
Distribution : États-Unis Columbia Pictures / Sony Pictures Releasing, France Sony Pictures Releasing France
Genre : comédie policière
Durée : 112 minutes
Pays d'origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur -
Distribution
Channing Tatum (V. F. : Adrien Antoine) : Greg Jenko
Jonah Hill (V. F. : Donald Reignoux) : Morton Schmidt
Ice Cube (V. F. : Lucien Jean-Baptiste) : le capitaine Dickson
Dave Franco : Eric
Amber Stevens2
Nick Offerman (V. F. : Michel Dodane) : le chef Hardy
Rob Riggle : M. Walters
Wyatt Russell
Richard Grieco (V. F. : Franck Capillery) : Dennis Booker
Brad Pitt : un documentariste de l'université (caméo)
Anna Faris (V. F. : ) : Anna
Tyler Forrest (V. F. : Jean Rieffel) : Stoned-Looking Kid
Ian Hoch (V. F. : Sébastien Ossard) : Animateur
The Lucas Brothers (V. F. : Namakan Koné) : Keith & Kenny Yang