Sarah se prépare au plus long des voyages vers l’espace infini. Elle suit un entrainement intensif pour passer un an autour de la terre dans la station spatiale. Dans ce milieu d’hommes, elle souhaite être la meilleure des astronautes. Comme lui dit Mike, le chef de l’expédition : « Ça n’existe pas l’astronaute parfait. Et ça n’existe pas la mère parfaite ». On essaie juste d’être au meilleur de ses capacités pour atteindre l’excellence. Elle suit pourtant cet entrainement rude sans faiblir pour être à la hauteur des deux hommes qui l’accompagneront. Sarah doit dire au revoir à sa petite fille Stella, le temps d’une année pour un voyage qui n’est pas sans risque. « Tu savais que ta maman allait partir aujourd’hui. Ça te fait très peur, un peu peur ? » « Un peu peur » répond la petite. Elle comprend au fond de son cœur ce rêve que touche enfin sa mère. Depuis toujours Sarah se préparait à ce moment incroyable. Le départ sera difficile. Elle ignorait qu’elle laisserait un petit bout d’elle-même et d’espérance au pays.
« Et j’ai crié qu’il fallait libérer les femmes. » Augustine
Alice Winocour confirme son talent de réalisatrice particulière au regard profond, touchant à l’âme. Elle se situe loin des sujets habituels sur l’espace, confrontation à l’ailleurs, rencontre d’une autre vie, survie dans l’espace, conquête d’une terre rouge, aliens. Elle serait plus proche d’Ad Astra en remplaçant la quête du père par les affres de la mère. Avec le magnifique Augustine, jeu d’observation autant de Charcot que de sa patiente Augustine, c’est dans les méandres de la folie qu’elle plongeait pour mieux nous parler de nous. C’est celui de la femme face à son espace intérieur, imaginaire frôlant, basculant dans la folie. Le féminin est de nouveau au centre du récit confrontant l’infiniment grand de l’espace où l’on se perd facilement. Elle le confronte à l’infiniment petit du cœur déchiré de la séparation.
Proxima explore l’âme d’une mère tiraillée entre son rêve d’astronaute et celui de la séparation de la chair de sa chair. C’est quitter le lac des origines où retournait Stone dans Gravity. Eva Green s’appuie sur le microcosme du cœur avec justesse dans un rôle fort, affrontant le monde des hommes et celui d’une petite fille en peine. La réalisatrice joue de l’espace naturel et de son chant d’adieu, revenant souvent sur des images de la nature. Elles sont coupées par celles du Centre aux règles plus strictes, à l’entrainement rigoureux pour toucher son rêve du doigt. Au centre de cette galaxie se trouve une petite fille de neuf printemps, Zélie Boulant Lemesle, excellente. Elle dévore ce monde qui lui prend sa mère pour bien plus que le temps d’un week-end.
Elle semble perdue, toute petite, dans cet infiniment grand et pourtant on sent qu’elle a pleinement conscience de ce qui se joue. C’est le requiem de cette séparation que perce la réalisatrice pour en comprendre l’ultime adieu. Proxima nous entraine sur des terres que nous connaissons bien et que nous avions pourtant oubliées. C’est la joie des retrouvailles effaçant l’insondable douleur de la séparation. Une fois de plus, avec sa caméra regard, Alice Winocour nous entraine ailleurs à travers le regard d’une petite fille et de sa mère.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Proxima
Réalisation : Alice Winocour
Scénario : Alice Winocour en collaboration avec Jean-Stéphane Bron
Photographie : George Lechaptois
Décors : Florian Sanson
Costumes : Pascaline Chavanne
Montage : Julien Lacheray
Musique : Ryūichi Sakamoto
Production : Isabelle Madelaine et Emilie Tisné
Sociétés de production : Dharamsala, Darius Films; coproduit par Pathé, France 3 Cinéma et Pandora Film
Société de distribution : Pathé Distribution (France)
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Genre : drame
Durée : 107 minutes
Dates de sortie : 27 novembre 2019
Distribution
Eva Green : Sarah
Zélie Boulant-Lemesle : Stella, la fille de Sarah et Thomas
Matt Dillon : Mike
Sandra Hüller : Wendy
Lars Eidinger : Thomas
Aleksey Fateev : Anton
Nancy Tate : Naomi
Thomas Pesquet : lui-même
Récompenses
Festival international du film de Toronto 2019 : Honorable Mention, Platform.
Festival international du film de Saint-Sébastien 2019 : Prix spécial du jury4.
Festival du film de Sarlat 2019 : prix du jury Jeunes5.
Sélection
Utopiales 2019 : sélection en compétition.