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affiche A Most Violent Year

A Most Violent Year

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Un film de J. C. Chandor ,
Avec Oscar Isaac, Jessica Chastain, Albert Brooks,

Genre : Drame psychologique
Durée : 2h05
États-Unis

En Bref

L’hiver 1981 à New York, cette année  marque  un pic de violence criminelle record. Abel Morales, émigré latino-américain, approche de son but en achetant des entrepôts vides au bord du fleuve. Il transforme sa petite entreprise de transport de fuel. Pas à pas sans jamais plonger les mains dans les ténèbres, il gravit les échelons et touche au rêve américain du self-made man accompli. Il reste encore quelques obstacles dans son expansion. Un procureur  semble persuadé de détournement de fonds dans son entreprise.

Des camions sont volés et ses conducteurs agressés. Qui se cache derrière cette manigance ? Des concurrents jaloux qui souhaitent arrêter son ascension ou des gangsters avides ? Abel tente, tout en préservant son intégrité, de garder les mains propres et de découvrir qui se cache derrière ces vols. Anna épaule son mari dans sa quête du rêve américain. Fille d’un gangster de Brooklyn, elle abandonne tout un passé pesant et sombre. La question est bien de savoir s’ils arriveront à garder les mains propres dans un monde où la violence et le mal règnent dans l’ombre.


En trois films, J.C Chandor s’impose comme un nouveau réalisateur de talent avec déjà une démarche et des thématiques particulières. Dans un cinéma minimaliste, grattant au plus près de l’âme, il sonde plus les sentiments, les nouvelles règles du capitalisme que la violence à l’état pur. Dans Margin Call chronique d’une gestion de crise à l’aube de l’explosion des subprimes, il se plaçait dans les pas d’Oliver Stone tendance Wall Street. Dans All Is Lost il jouait sur la solitude et l’océan avec un homme perdu en mer dans une tentative de survie. Nous pouvions y voir une métaphore de ses thématiques, du rêve américain, de l’homme accompli qui accepte la mort. Elle le conduit à une autre dimension, à la vie. Dans A Most Violent Year il se place dans la tendance de James Gray, The Yards ou de Francis Ford Coppola, Le Parrain. Certains verront des similitudes entre le couple Al Pacino et Diane Keaton, hasard ou coïncidence ?

Plus que la violence, c’est le cheminement intérieur qui l’intéresse. Dans une idée du bien et du mal tranchée, manichéenne, les personnages se débattent avec leur envie de rester droits, sans sombrer dans les ténèbres. Abel, le nom ne semble pas innocent, peut-il construire son rêve sans plonger les mains dans le cambouis ? Tout au long du film il fera tout pour ne pas sombrer, éviter les coups tordus, faire appel au frère ou au père d’Anna. Anna est plus proche d’une lady Macbeth, il existe du Shakespeare dans cette femme de l’ombre. Peu à peu celui-ci prend toute sa mesure, au-delà de ses costumes Armani, les apparences se brisent et le vrai visage, la vraie nature apparaissent.

Par amour peut-être, c’est elle qui fait ce qu’il y a à faire. La grande question du film est bien de savoir si un empire peut se construire sur la morale sauve, ou non. Dans ce sens, la dernière séquence est significative, la neige et la ville au loin figée dans un temps immortel. La mort d’un autre personnage marque la rupture avec le passé, enfin il est devenu complètement le rêve qu’il visait. Il en paye le prix, il sait que la route n’aura plus la même saveur, tous ces obstacles franchis en font un autre homme. C’est le self-made man de l’Amérique nouvelle, tout en sachant que les prémices de la crise se situent dans les années 80.

Hasard ou coïncidence, A Most Violent Year s’inscrit-il comme un épilogue à Margin Call ? Suggéré par Jessica Chastain, Oscar Isaac est en bonne voie pour les Oscars, campant un personnage tout en nuances, en finesse. Le spectateur, comme lui, se débat avec ses sentiments contradictoires, sa volonté de rester intègre, de ne pas basculer. Utopie ou réalité ? Jessica Chastain est sublime dans un rôle se transformant avec le récit. La petite femme au foyer apparaît bien plus complexe. Dans la forme, J.C Chandor s’inscrit encore plus que Coppola et Gray, dans un cinéma minimaliste, touchant à l’essentiel, jouant sur la lumière et les ambiances pour nous saisir au plus profond de notre âme. Il serait stupide de le croire classique, au contraire il est d’une extrême modernité, à suivre.

 Patrick Van Langhenhoven

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C’est un rôle qui se déploie au fur et à mesure, et révèle votre personnage. Ces surprises étaient écrites dans le scénario dès le début ?

Jessica Chastain : Quand je suis arrivée sur le film, c’était avant la dernière version du scénario. Je disposais d’une version première dans laquelle mon personnage me rappelait Dick Cheney, l’ancien vice-président des Etats-Unis de George Bush ! Chandor était très étonné : mon personnage est une femme dans un monde d’hommes qui dès le début se demande comment faire pour  aider son mari, le pousser à diriger le monde, à avoir du pouvoir. Alors on a rajouté cette idée de faire du mari le monsieur du rêve américain, tandis qu’elle prend de plus en plus d’importance dans l’histoire.

C’est un personnage de louve, endurcie, aux ongles démesurés. Un caractère nouveau dans votre travail. Vous éprouvez le besoin de travailler des motifs nouveaux ?

Jessica Chastain :J’aime incarner des personnages qui sont très différents de moi. Et c’est vrai que j’ai apprécié le côté louve de mon personnage, avec des griffes, une sorte de prédatrice. Cela m’a amusée. Ce n’est pas une femme d’intérieur, qui s’occupe des enfants, prépare des petits plats pour son mari, fait le ménage dans la maison.  Je la trouve drôle à sa manière, parce que c’est une femme démodée, dont l’homme est tout, son roi. Elle le pousse et le pousse, et en même temps, paradoxalement, se montre castratrice et lui coupe les ailes. Deux pulsions cohabitent en elles,  libératrice et conservatrice.

On vous connaît dans un registre dramatique éclectique. Seriez-vous à l’aise dans un registre plus fantaisiste, plus farfelu ?

Jessica Chastain : Le rôle plus amusant que j’ai joué était dans La couleur des sentiments. C’était un personnage clownesque. Ce registre n’est pas évident car les scénarios de comédies ont peu de personnages féminins forts. Ce sont souvent des rôles de faire-valoir.

Seule figure féminine du film, votre personnage  jouit d’une vraie force…

Jessica Chastain : Le film se passe en 1981. A New York, à cette époque, l’Amérique  est un monde d’hommes, une société très masculine. Elle doit utiliser ses propres armes de séduction, comme dans ce dîner avec les banquiers, où elle porte une robe extrêmement provocante.  Elle utilise son sexe, mais elle ne doit pas être sous-estimée.

Quels sont vos modèles de femme puissante ?

Jessica Chastain : De nombreuses femmes peuvent se retrouver dans mon personnage. Nous avons tous quelque chose d’Anna, mais je n’ai jamais rencontré une telle femme, dans la vie. C’est le personnage le plus violent du film mais avant tout, je la trouve drôle et ce que je reconnais chez elle, c’est un manque, car la société ne lui donne pas le droit de diriger elle-même une entreprise, à cette époque.  

C’est une femme s’implique qui se salit les mains. Ne le fait-elle pas par amour, cet amour qui préserve son rêve de blancheur ?

Jessica Chastain : Absolument. Ce couple s’aime énormément. En même temps, c’est une femme qui a aussi en tête la figure de son père, et parfois elle manque de respect envers son époux quand elle a l’impression qu’il ne se comporte pas comme un homme. Elle le veut plus ambitieux, fort, agressif. C’est elle qui porte l’énergie masculine du film, et lui, Oscar Isaac, l’énergie féminine.

Est-ce vous qui avez eu l’idée de ce personnage de blonde ?

Jessica Chastain : Il était écrit dans le scénario qu’elle était blonde. Dans ces années-là, les femmes qui avaient de l’argent étaient toutes blondes. Pour cette femme qui venait de Brooklyn, et qui avait de l’argent, j’ai pensé que le créateur de mode le plus adapté serait Armani. J’ai puisé dans le vestiaire des 80’s et c’est comme ça que l’on a eu ces merveilleux costumes.  Cette garde-robe est comme une armure.

Chandor vous filme comme une héroïne platine de film noir…

Jessica Chastain : Oui, car nombre de cinéastes aiment jouer avec la lumière, J.C Chandor joue avec les ombres. Il a laissé toujours beaucoup de mystère autour d’elle.

Le film parle du rêve américain. Etes-vous aussi désenchantée que J.C Chandor sur ce sujet ?

Jessica Chastain : Je suis plus optimiste que lui ! Mais je trouve intéressant de traiter ce sujet, avec cet immigrant qui essaie de se construire avec pureté et veut vivre cette vie américaine et réussir en échappant à toute violence, alors que tout le monde autour de lui pense que le crime est la voie le plus facile. A la fin on se demande laquelle il choisira.

Quel genre directeur d’acteurs est J.C  Chandor ?

Jessica Chastain : Il encourage la collaboration et l’image du film est une dimension  très importante pour lui. Il sait ce qu’il veut obtenir à l’image et aussi des acteurs, qu’il amène à un jeu très subtil. Il m’a donné de la liberté d’explorer mon personnage et d’avancer, alors que beaucoup de réalisateurs ne vous donnent pas cette liberté.

Parlons de la place des armes dans le film. Votre personnage s’en sert pour tuer un cerf, cela lui donne de la force, tandis que cela affaiblit votre mari… Quelle est votre position ?

Jessica Chastain : C’est un film où les armes font peur et qui divisent deux camps, le héros anti-armes, et son épouse, qui l’utilise. Personnellement, je ne porte pas d’arme. Cela ne m’intéresse pas, ni la chasse aux animaux, ni la chasse à l’homme. Je crois qu’il faudrait un plus grand contrôle des armes aux Etats-Unis. Nous avons un vrai problème avec ça. Il n’y a qu’en Amérique que l’on assiste à ces tueries dans les écoles. Pour beaucoup d’Américains, interdire les armes serait comme le début d’une guerre, mais il est évident qu’il faut davantage de régulation et de strict encadrement.

Interview réalisé par Patrick Van Langhenhoven merci à Nathalie pour la mise en forme et retranscription.

•            Titre original : A Most Violent Year

            •            Réalisation : J. C. Chandor

            •            Scénario : J. C. Chandor

            •            Direction artistique : John P. Goldsmith

            •            Décors : Doug Huszti

            •            Costumes : Kasia Walicka-Maimone

            •            Montage : Ron Patane

            •            Musique : Alex Ebert

            •            Photographie : Bradford Young

            •            Son : Steve Boeddeker

            •            Production : Neal Dodson et Anna Gerb

            •            Sociétés de production :

            •            Sociétés de distribution : A24 Films (en) (USA)

            •            Budget :

            •            Pays d’origine : États-Unis

            •            Langue originale : Anglais

            •            Format : couleur - 2,35:1 - son Dolby numérique

            •            Genre : Film policier

            •            Durée : 125 minutes

            •           

Distribution

            •            Oscar Isaac : Abel Morales

            •            Jessica Chastain : Anna Morales

            •            Alessandro Nivola : Peter Forente

            •            David Oyelowo : Lawrence

            •            Albert Brooks : Andrew Walsh

            •            Catalina Sandino Moreno : Luisa

            •            Ashley Williams : Lange

            •            Elyes Gabel : Julian

            •            Jerry Adler : Josef

            •            Christopher Abbott : Louis Servidio

            •            Elizabeth Marvel : Mrs. Rose

            •            Peter Gerety : Bill O'Leary

            •            David Margulies : Saul Lefkowitz