Qu’est-ce réunit un employé de sauna, un agent de l’immigration, un prêteur sur gages et une hôtesse de bar ? C’est un sac bourré de billets passant de main en main, pour le bonheur ou le malheur de chacun. Ils possèdent tous une bonne raison pour s’emparer du pactole. Joung -man, l’employé de sauna, relancerait le restaurant de son père. Tae-Young, l’agent de l’immigration, rembourserait ses dettes. Du-man, l’usurier, gonflerait sa fortune déjà imposante. Yeon-Hee, la tenancière de bar, s’offrirait une nouvelle vie ailleurs. Nous rajouterons dans la balance Mi-ran, une femme battue, acoquinée avec Jin-tae, un clandestin chinois amoureux. En toile de fond, le corps découpé en morceaux d’une femme abandonnée sur la plage sème le doute. D’autres personnages comme un flic ripou, une mère sénile, une belle-fille fatiguée s’inviteront dans la danse. Le sac passe de main en main, objet maudit n’apportant que le chaos. On est loin du bonheur parfait que son contenu promet. Dans ce jeu de poupées russes, qui sera la dernière à toucher le gros lot ?
Le cinéma coréen n’en finit pas de nous surprendre, s’emparant des genres pour mieux les déstructurer et recomposer une nouvelle partition. Après le fantastique, le polar noir, le thriller, c’est le tour d’un polar humoristique sur fond noir. C’est un regard sur la société et nos rêves, entre la femme battue et la grand-mère qui perd la tête. Pour son premier film, Kim Yong-hoon s’inscrit dans les pas de Guy Ritchie pour le rythme et le ton, Tarantino pour l’aspect feuilletonesque. C’est aussi les frères Coen pour un petit côté surréaliste et un brave type très vite dépassé par la situation. On pourrait penser à Kitano avec la figure du mafieux. Il mélange toutes ces influences pour créer son propre style. La narration joue la carte des allers-retours entre passé et présent pour mieux nous égarer.
Le spectateur pense suivre une trame ordinaire avec ses éléments incontournables. Nous nous apercevons très vite que Kim Yong-hoon s’amuse à démonter le récit pour nous proposer une nouvelle version qui tient à une pléiade d’acteurs remarquables et un humour décalé avec les pieds nickelés de service, les femmes fatales, les saintes nitouches et les beaux gosses. La morale n’est pas au rendez-vous dans cette valse de coups bas, manipulations et mensonges en tout genre. Elle tourne autour des vieux dictons comme « l’argent ne fait pas le bonheur ». Il corrompt les innocents et vous plonge en enfer. Chaque personnage évolue sur un tableau social noir et des personnages à l’âme égoïste.
Le beau pactole ne se partage pas. Les protagonistes semblent tout droit sortis de l’univers de la bande dessinée, mangas, cartoons, sans jamais tomber dans la caricature. Les femmes cachent un sacré caractère sous leur vernis de victimes innocentes. N’espérez pas un happy end en forme de cœur, la fin débouche sur une nouvelle promesse d’ennuis à venir. Kim Yong-hoon, avec cette farce aux allures de comédie humaine, rejoint le clan des meilleurs réalisateurs coréens comme Bong Joon-ho, Park Chan-wook ou Yeon Sang-ho.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Lucky Strike
Réalisation : Kim Yong-hoon
Scénario : Kim Yong-hoon, d'après l'œuvre de Keisuke Sone
Costumes : Cho Hee-ran
Photographie : Kim Tae-sung
Montage : Han Mee-yeon
Musique : Nene Kang
Producteur : Jang Won-seok et Billy Acumen
Producteur exécutif : Kim Jin-sun
Société de production : Megabox
Sociétés de distribution : Wild Bunch Distribution
Pays d'origine : Corée du Sud
Langue originale : coréen
Format : couleur
Genre : Thriller dramatique
Durée : 108 minutes
Dates de sortie : 8 juillet 2020
Distribution
Jeon Do-yeon : Yeon-hee, la tenancière du bar
Jeong Woo-seong : Tae-young, du bureau d'immigration
Bae Seong-woo : Joong-man, employé du sauna
Youn Yuh-jung : Soon-ja, la mère de Joong-man
Jeong Man-sik : Du-man, l'usurier
Shin Hyun-bin : Mi-ran, la femme battue
Jung Ga-ram : Jin-tae, le jeune chinois clandestin
Jin Kyung : Young-sun, la femme de Joong-man