Ahmed, jeune adolescent en pleine construction, est très attiré par l’idéologie que propage l’imam de sa mosquée. Il en vient naturellement à détester les efforts de l’enseignante, Madame Inès, qui l’accompagne depuis sa petite enfance. Elle est femme, apostat, et envisage de promouvoir l’enseignement de l’arabe par la musique et les paroles de chansons du répertoire. Ahmed passe à l’acte en l’agressant et se retrouve dans un centre de déradicalisation.
Nous voilà face à un sujet épineux, dans l’air du temps des cinéastes. Peu après L’adieu à la nuit d’André Téchiné sur un thème similaire, nous rencontrons Ahmed. Voilà un adolescent, en quête de pureté, comme la plupart des jeunes de son âge, prêt à s’identifier à un modèle, qui va foncer tête baissée dans le radicalisme. Lorsqu’on décortique le discours de l’imam, ce qui saute aux yeux est l’absence de bonté ou de générosité, qui sont d’habitude l’apanage des discours religieux. Ce qui ressort est la lutte, à mort, des purs contre les apostats. Ahmed est soumis à un conflit de loyauté, face à sa mère qui s’autorise un verre de vin de temps à autre, à sa sœur qui se maquille et a un petit ami, face à Madame Inès qui ne cherche qu’à faire cohabiter les habitants du quartier en respectant leurs identités culturelles.
Enfermé dans le centre, auprès des éducateurs et des psychologues, Ahmed se renferme sur ce qu’il considère comme sa mission. Les frères Dardenne excellent dans la description complexe des relations du jeune ado avec l’équipe éducative et avec Louise, la fille du fermier chez qui il est en réinsertion.
Les Dardenne ne jugent pas. Ils essaient de radiographier les contradictions dans lesquelles Ahmed est pris. Ils montrent également à quel point un bon endoctriné est capable de formuler ce que les encadrants souhaitent entendre. Le jeu de rôles est pré-écrit. Le milieu socio-éducatif a une grille de lecture qui ne convient pas à la situation en cours. Nous avons affaire à deux logiques qui ne se rencontrent pas, comme deux parallèles qui suivent chacune leurs rails. Cependant Ahmed, à la figure poupine et aux doigts encore potelés (comme l’ont voulu les réalisateurs) est susceptible d’être écartelé entre deux mondes. S’il veut se montrer plus pur que les purs, c’est bien qu’il cherche à se construire un monde binaire et rassurant, héroïque qui plus est, s’il peut approcher le martyre. Mais la réalité de la vie le fait vaciller.
Sans donner de réponse, sans jouer avec la morale, Le jeune Ahmed pose une équation complexe en laissant le spectateur se faire sa propre idée. Les Dardenne, comme à leur habitude, apportent leur pierre à l’édifice de la lecture de la vie telle qu’elle est dans notre période contrariée.
Françoise Poul
Bonus:
Entretien avec les réalisateurs
- Bande-annonce
Titre original : Le Jeune Ahmed
Réalisation : Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Scénario : Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Production : Les Films du Fleuve, Centre du cinéma et de l'audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Distribution : Cinéart
Pays : Belgique
Langue : français
Durée : 84 minutes
Dates de sortie : 20 mai 2019 (festival de Cannes 2019), 22 mai 2019
Distribution
Idir Ben Addi : Ahmed
Olivier Bonnaud : l'éducateur
Myriem Akheddiou : Inès
Victoria Bluck : Louise
Claire Bodson : la mère d'Ahmed
Othmane Moumen : l'imam Youssouf