Une fresque ambitieuse qui retrace le parcours d’un jeune homme sur une période longue qui nous mène des années 30 à l’époque actuelle, de Dresde à Düsseldorf et qui nous fait assister à l’éclosion d’un artiste. L’ensemble s’inspire fortement de la biographie de Gerhard Richter.
Le jeune Kurt accompagne sa tante dans un musée pour voir une exposition d’art « dégénéré ». D’emblée, un parfum de nazisme obscurcit la scène. Mais la tante Elisabeth semble se soucier comme d’une guigne du danger qui guette et se laisse guider par ses pulsions peu compatibles avec le cadre. Ce qui lui vaudra d’être emmenée en hôpital psychiatrique. A cette époque, des médecins zélés veulent une nation pure et se chargent de supprimer les êtres « sous-humains » (untermensch).
Kurt grandit. Il vit désormais sous le joug de la RDA. Et son amour pour l’art, qu’il a gardé intact, l’emmène vers l’apprentissage de la peinture officielle. Qui ne le satisfait pas. De nombreuses péripéties le conduiront à découvrir l’amour et sa voie artistique, dans un lancinant jeu du chat et de la souris avec le père de sa belle qui n’est autre que…
Remarqué pour La vie des autres, von Donnersmarck ne craint pas les formats amples. La première partie plante le décor et nous donne à voir Dresde, ville totalement détruite à la fin de la guerre, qui plus est, à travers un enfant. Le petit garçon qui interprète le jeune Kurt, avec ses yeux immenses, n’est pas sans rappeler la petite Ana Torrent dans Cria Cuervos. Muet devant la folie des adultes, mais perméable ô combien, à ce qui l’entoure et qui sera déterminant, sans qu'il en ait pleinement conscience, dans sa future carrière.
Les débuts en peinture et la rencontre de sa future femme relèvent de la reconstitution d’une époque et de la romance et se laissent regarder comme une promesse de drame sentimental et politique.
Le reproche qu’on peut faire à l’auteur, c’est d’avoir laissé retomber le soufflé dans la deuxième partie. On est interpellé par le passage à l’ouest et à nouveau, on ne peut que saluer la capacité du réalisateur à tricoter la petite histoire et la grande. Mais il est nettement moins convaincant lorsqu’il s’agit de mixer la trajectoire artistique et la joute familiale entre le gendre et le beau-père. Nous, spectateurs, savons des choses liées au début de l’histoire, que les personnages semblent ignorer au point qu’on frise l’invraisemblable et que l’ensemble perd soudainement son élan pour devenir pesant.
L’interprétation de Sebastian Koch et Paula Beer emportent l’adhésion, ainsi que celle de Saskia Rosendahl (la tante Elisabeth). Tom Schilling est un peu plus transparent, mais crédible en jeune homme qui se cherche.
L’œuvre sans auteur vaut beaucoup par son sujet, mais aurait gagné à ne pas donner dans l’académisme, un comble quand l’aboutissement est l’art contemporain….
Françoise Poul
Bonus:
Bande Annonce
Titre original : Werk ohne Autor
Titre international : Never Look Away
Titre français : L'Œuvre sans auteur
Réalisation et scénario : Florian Henckel von Donnersmarck
Direction artistique : Silke Buhr
Décors : Theresia Anna Ficus, Markus Nordemann, Robert Reblin, Marek Warszewski et Jiri Zavadil
Costumes : Gabriele Binder
Photographie : Caleb Deschanel
Montage : Patricia Rommel et Patrick Sanchez Smith
Musique : Max Richter
Production : Quirin Berg, Christiane Henckel von Donnersmarck, Florian Henckel von Donnersmarck, Jan Mojton et Max Wiedemann
Sociétés de production : Pergamon Film et Wiedemann & Berg Filmproduktion
Sociétés de distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures (Allemagne) ; Diaphana Films (France)
Pays d'origine : Allemagne
Langue originale : allemand
Format : couleur - 35 mm - 1,85:1
Genre : drame
Durée : 188 minutes
Dates de sortie : 17 juillet 2019
Distribution
Tom Schilling : Kurt Barnert (inspiré de Gerhard Richter)
Sebastian Koch : le professeur Carl Seeband
Paula Beer : Ellie Seeband
Saskia Rosendahl : Elisabeth May
Oliver Masucci : le professeur Antonius van Verten (inspiré de Joseph Beuys)
Cai Cohrs : Kurt Barnert à six ans
Ina Weisse : Martha Seeband
Evgeniy Sidikhin : le Major du NKVD Murawjow
Mark Zak : l'interprète de Murawjow
Ulrike C. Tscharre : madame Hellthaler
Bastian Trost : le docteur Franz Michaelis, le médecin de famille
Hans-Uwe Bauer : le professeur Horst Grimma
Hanno Koffler : Günther Preusser (inspiré de Günther Uecker)
David Schütter : Adrian Schimmel / Finck
Franz Pätzold : Max Seifert