Jojo possède un ami imaginaire particulier dans cette ferveur allemande des années quarante. Son compagnon l’aide à surmonter les obstacles de la vie et à confirmer son engagement dans les Jeunesses hitlériennes. Vous l’avez compris, son camarade invisible n’est autre qu’Adolf en personne. Quand ses camarades de classe se moquent de lui, il fait appel à Adolf. Il a foi en son ami et ne doute pas un instant du chancelier. Traité de froussard, il se retrouve à coller des affiches de propagande sur les murs de la ville. Il récolte la ferraille pour encourager l’effort de guerre. Derrière cette image, Jojo n’est qu’un gamin ordinaire qu’une bonne propagande aveugle. Il vit seul avec sa mère. Son père est parti au front et ne donne aucune nouvelle. Jojo est convaincu qu’il se couvre de gloire. Le monde de Jojo bascule quand il découvre, cachée dans le mur de la maison, une petite Juive. Il est peut-être temps qu’il enlève ses œillères et voie la vie comme elle est. Qui l’emportera dans son cœur, le mensonge ou la vérité ?
Taika Waititi est le réalisateur de Thor Ragnarok et surtout de Boy dans lequel un petit garçon mélangeait déjà réalité et imaginaire. Il adapte le roman de Christine Leunens beaucoup plus sombre et ambigu, Le ciel en cage. Il en reprend la trame principale, celle d’un homme, partisan aveugle d’Hitler, confronté à la découverte d’une Juive dans son grenier. La première partie, avec l’omniprésence du compagnon imaginaire, se voudrait dans la veine de Chaplin. C’est un exercice difficile. L’humour se grippe, montre souvent ses limites dans la seconde partie et tombe parfois à plat. L’entrainement au camp des Jeunesses hitlériennes est assez désopilant et la séquence du lapin, donnant son surnom à notre héros, bien trouvée.
Les jours passent, il se retrouve à coller des affiches, à croiser son petit camarade Yorki, moments désopilants, à suivre les ordres du capitaine. Nous regrettons le manque de développement du rôle de Scarlett Johansson, le film se centrant, il est vrai, sur Jojo. La deuxième partie, avec la découverte, redonne un peu de souffle mais l’humour ne trouve pas toujours sa place dans ce sujet tendu. À la noirceur du bien et du mal, l’auteur choisit la rédaction d’un livre sur les idées stupides sur le peuple juif. Cette bonne idée perd toutefois de sa force sur la fin. De la même manière, la manipulation, au cœur du roman, n’est pas développée. Dans Le ciel en cage, cette ambiguïté vertigineuse (qui trompe qui ?) représente la grande force du récit.
Peu à peu, notre petit bonhomme comprend qu’il est victime d’un lavage de cerveau. La réalité est tout autre et la fin joue la carte de l’espérance et du pardon. Jojo Rabbit aborde malgré tout le thème décrit plus haut mais avec moins de force. L’humour, sur toute cette partie, semble parfois décalé. Taika Waititi n’ose pas la folie du Dictateur de Chaplin ni l’ironie de La vie est belle de Roberto Benigni. Il reste un pamphlet contre les idées reçues et la propagande mensongère colportée par les idées extrémistes. Il fallait peut-être prendre la voie sombre du roman ? Le jeune Roman Griffin Davis se débrouille plutôt bien dans le rôle de Jojo. À l’heure de la crainte du retour des forces noires et du totalitarisme dans le monde, ce film ne peut que nous faire du bien.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Jojo Rabbit
Titre québécois : Jojo
Réalisation : Taika Waititi
Scénario : Taika Waititi, d'après le roman Le ciel en cage de Christine Leunens
Direction artistique : Ondrej Lipensky
Décors : Ra Vincent
Costumes : Cynthia Bergstrom et Mayes C. Rubeo
Photographie : Mihai Mălaimare Jr.
Montage : Tom Eagles
Musique : Michael Giacchino
Production : Carthew Neal, Taika Waititi et Chelsea Winstanley
Producteur délégué : Kevan Van Thompson
Sociétés de production : Fox Searchlight Pictures, TSG Entertainment, Czech Anglo Productions, Piki Films et Defender Films
Sociétés de distribution : Walt Disney Studios Distribution (États-Unis,France)
Budget : n/a
Pays d'origine : États-Unis, Allemagne
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : comédie dramatique et noire
Durée : 108 minutes
Dates de sortie : 29 janvier 2020
Distribution
Roman Griffin Davis : Jojo « Rabbit » Betzler
Scarlett Johansson : Rosie Betzler
Thomasin McKenzie : Elsa Korr
Taika Waititi : Adolf Hitler
Sam Rockwell : le capitaine Klenzendorf
Rebel Wilson : Fräulein Rahm
Stephen Merchant : le capitaine Deertz
Alfie Allen : Finkel