Hopeless
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En Bref
C’est une petite ville perdue de la Corée du Sud. Yeon-gyoo rêve de partir ailleurs au pays des tulipes, devenir un autre pour échapper à la noirceur de ce coin oublié. C’est ici qu’il est né, entre une mère aimante, un beau-père à la main leste et une demi-sœur le protégeant du mieux qu’elle peut. Entre les coups et une vie sans avenir, Yeon-gyoo n’a pas d’autre choix que de plonger dans le cœur noir de la cité. Pour trouver sa route, il faut parfois marcher avec les mauvais garçons. Chi-geon, chef d’un gang de voleurs de motos, le prend sous son aile. Les deux hommes comprendront qu’ils partagent bien plus que quelques désirs d’émancipation. Ils viennent du même bourbier, du fond des quartiers sans âme, prisons des damnés abandonnés par une société qui s’en soucie peu. Yeon-gyoo n’hésite pas à plonger au cœur des ténèbres semées d’embûches. Il y a toujours un prix à payer à côtoyer le diable, c’est le risque de perdre son âme. Il lui faudra quitter la zone rêvée d'un monde meilleur, d’une vie sans inégalités.
Il y a toujours un prix à payer pour échapper à l’enfer, aux griffes du diable et de ses démons. On y perd ses rêves. Toutes ces histoires ne racontent que la souffrance de gamins perdus, abandonnés aux mains d’hommes sans scrupules qui effacent leur conscience et leur âme. Kim Chang-hoon s’éloigne de la thématique de la vengeance du cinéma coréen. Malgré une certaine violence, il se rapproche plus du film noir que du thriller. C’est le parcours initiatique de deux gamins perdus. Chi-geon reconnaît dans Yeon-gyoo le gosse qu’il était autrefois. Il finira par se perdre en acceptant de descendre dans le cœur de la ville sombre. Il souhaite éviter la même chute au jeune Yeon-gyoo, encore imprégné de principes. Comment ne pas perdre son âme et garder ses rêves pour espérer trouver ailleurs une certaine rédemption ?
Le film, dans son cœur de violence, arpente ces deux routes et nous montre comment chacun devra composer avec la vie. Le seul moyen est de reprendre son rêve en main. Ce sont des vies fracassées, prisonnières d’un univers qui les étouffe et les condamne peu à peu au néant. Hopeless contient une part de nihilisme, un désenchantement social, moral, de la société et des individus. Ils ne peuvent compter que sur leur volonté à saisir des opportunités qui les conduiront à appartenir à un groupe. Il nous raconte comment grandir quand tous les repères éclatent et ne laissent qu’un chemin de sang. Le passé est un fond sans fin qui porte en lui la mort et le vide, où rien de bon ne peut germer. Hopeless est un chemin de violence et de douleur masquant une exploration de l’âme humaine quand elle commence son chemin d’éveil.
Comment devenir un adulte accompli, porté par ses rêves, si ceux que l’on côtoie ne sont que violence et déjà perdus. Est-ce qu’il n’existe aucune rédemption ? Chaque figure devient le morceau d’un puzzle bien plus grand, à l’image de la tragédie antique et de la famille. Dans ce maelström de souffrance et de noirceur, le père devient la figure négative du monde, comme le grand patron du gang. La mère est celle qui conserve encore en son cœur une étincelle de lumière. La sœur devient la clef pour ouvrir la porte qui conduit hors des souterrains profonds de l’enfer, pour rejoindre la lumière de la surface. C’est derrière les lignes qu’il faut trouver le cœur du film et s’en nourrir.
Patrick Van Langhenhoven
Jeong Jae-kwang (en) : Seung-moo
