Bruno Dumont, depuis La vie de Jésus ne cesse de mener une quête de l’âme à travers, Jeanne, Flandres, Hadewijch, Camille Claudel 1915, etc. Ses histoires ne sont jamais dénuées d’un certain mysticisme, entre dieu et diable, souvent transcendées par le paysage. Après une chanson de geste sur Jeanne d’Arc, il s’attaque à l’info entre réalité et mensonge. France est une de ces stars du vingt heures qui n’hésite pas à passer par le mensonge pour proposer la vérité. Comme au cinéma, on monte, on coupe, on refait la prise pour donner du sens au récit. Il est souvent dans la norme, assez éloigné de la vérité de terrain. C’est bien cette quête de la réalité que poursuit notre réalisateur à travers un cinéma proche du documentaire. Il souhaite nous interpeller sur ces figures iconiques que sont les journalistes. C’est un métier qui se transforme avec la société de la course à l’audimat. Ils sont loin les Albert Londres, Joseph Kessel et bien d’autres, cherchant à s’approcher au plus près de la réalité.

C’est aussi l’âme qui est derrière ce cynisme que tente de dévoiler Bruno Dumont. Peu à peu, la carapace se fragilise pour faire apparaître, derrière le masque, une femme fragile. Comme dans tout mythe, sa rédemption passera par la mort, comme une prise de conscience du sens du vivant.  La télévision est-elle la nouvelle fabrique des images pieuses et ses présentatrices les nouvelles madones ? Dans une première partie, nous découvrons le décalage entre le paraître et l’être, vérité et mensonge. France devient une chasseuse de scoop face au président, aux extrémistes qu’elle interroge. Une fois la caméra coupée, c’est une femme devant l’indicible tentation du mal du monde. Elle se livre hors caméra, avec son assistante Loulou, excellente Blanche Gardin.

Léa Seydoux est remarquable dans le rôle de France, entre le pimpant maquillage de la star aux lèvres rouges et la femme ordinaire sans artifice. La caméra revient souvent sur son visage, s’en approchant pour finir par la caresser sur la fin. C’est un peu comme si elle avait compris qu’il n’existe pas de sainte. On passe dans la seconde partie de la noblesse du tragique au trash du tabloïd, comme le dit dans une interview aux Cahiers du cinéma Bruno Dumont. Il parle aussi du pur et de l’impur dans un monde oubliant l’âme de ses personnages que quête le réalisateur. On trouvera à travers cette errance au cœur de la mort et de la vie, le mysticisme, voire le mythe toujours présent dans son cinéma. France recèle, comme ces icônes russes, derrière le doré et le pimpant bien d’autres pistes de réflexion. A vous de les découvrir. 

 Patrick Van Langhenhoven

    Titre original : France

    Titre de travail : Par un demi-clair matin

    Réalisation et scénario : Bruno Dumont, d'après Par ce demi-clair matin de Charles Péguy

    Photographie : David Chambille

    Casting : Clément Morelle

    Montage : Nicolas Bier

    Musique : Christophe3

    Décors : Erwan Le Gal

    Costumes : Alexandra Charles

    Production : Rachid Bouchareb, Jean Bréhat, Muriel Merlin et Dorothe Beinemeier

    Société de production : 3B Productions, Red Balloon Film, Tea Time Film, Ascent Film, Scope Pictures, Arte France Cinéma ; avec le soutien du ministère de la Culture italien et de Pictanovo4,5

    Société de distribution : ARP Sélection6 (France), Indie Sales (monde)

    Pays d'origine : France, Allemagne,  Italie et  Belgique4

    Langue originale : français

    Format : couleur

    Genre : comédie dramatique

    Durée : 134 minutes

    Dates de sortie : 15 juillet 2021 (Festival de Cannes) 25 août 2021

Distribution

    Léa Seydoux : France de Meurs

    Blanche Gardin : Lou

    Benjamin Biolay : Fred de Meurs

    Emanuele Arioli : Charles Castro

    Juliane Köhler : Madame Arpel