Au Japon, il est possible d’engager des acteurs pour incarner des proches et s’offrir ainsi des instants de bonheur auxquels on n’osait pas rêver. Ishii Yuichi, qui travaille dans l’agence Family Romance, se trouve donc embauché pour interpréter le rôle du père de la jeune Mahiro, qu’elle a à peine connu, vu qu’il a quitté le domicile quand elle était encore un bébé.
Herzog s’attaque au Japon par la face contemporaine, avec ce qu’elle comporte de plus déroutant. Son film ressemble à un documentaire tout en restant une fiction. Cependant, il décrit un phénomène bien réel, la « location de proches » avec un interprète, Ishii Yuichi, dont c’est le véritable métier. L’agence (ici fictive) Family Romance définit un cahier des charges et peut organiser l’arrivée des paparazzis autour de vous en pleine rue si vous souhaitez déclencher un buzz sur vos réseaux sociaux, elle permet de sauver la face et c’est un acteur qui se fait réprimander à votre place en entreprise, elle remplit les trous laissés dans le tissu social.
Tout au long du film, on est sur le fil, entre vrai et faux. Même les paysages sublimes que donne à voir le réalisateur ont l’air « trop vrais ». La société nipponne incorpore les robots, les substituts relationnels avec une apparente facilité. Mais on sent bien que la question centrale repose autour de l’authenticité des liens, ou ce qu’il en reste.
Ishii rencontre Mahiro en lui disant qu’il est son père. Sur la réserve, la jeune ado de douze ans chemine tout doucement vers cette figure masculine. Régulièrement, l’homme vient faire son rapport à la maman. Le temps passe et vient le moment où la relation devient « trop vraie ». Si déontologie il y a, elle consiste à effectuer sa mission en dehors de tout sentiment. Troublant.
Oui, ce type d’agence existe bel et bien. Et nous, spectateurs, sommes bousculés. Après tout, si cela apporte du réconfort, pourquoi ne pas s’offrir un père, un collègue, un fan, que sais-je… Mais quand on infuse cette part de fiction dans notre existence, ne risque-t-on pas de mélanger les genres, de perdre le fil ou de douter ensuite de ce qui est vrai ?
Werner Herzog ne juge pas. Il tourne des scènes surprenantes, certaines drôles, d’autres douces amères, et sur la longueur, il laisse à penser que les humains sont les seuls mammifères capables de robotiser même les sentiments. Intelligence suprême ou artificielle ? A vous de voir.
Françoise Poul
Titre français : Family Romance, LLC
Réalisation, scénario et photographie : Werner Herzog
Montage : Sean Scannell
Musique : Ernst Reijseger
Pays d'origine : États-Unis
Format : couleur - 35 mm
Genre : drame
Durée : 89 minutes
Dates de sortie : (Festival de Cannes 2019), 19 août 2020 (sortie nationale)
Distribution
Yuichi Ishii : son propre rôle
Mahiro Tanimoto : Mahiro
Miki Fujimaki : la mère de Mahiro
Yuka Watanabe : la mariée
Takashi Nakatani : le père de la mariée
Kumi Manda : la mère de la mariée