Dans une usine métallurgique déglinguée faute d’entretien, le patron, oligarque notoire, vient annoncer la fermeture imminente du lieu. Il se trouve face à l’assemblée des salariés furieux, qu’un contremaitre aux ordres a bien du mal à faire taire. Un ancien militaire solitaire, recyclé dans cette boite de misère, Le Gris, décide avec ses voisins d’atelier de séquestrer le boss et d’exiger une rançon qui les dédommagerait et leur permettrait enfin d’accéder à une vie meilleure.
Depuis quelque temps, les cinémas chinois et russe nous offrent des bijoux de cinéma post-industriel. Ils mettent l’accent sur le délitement des moyens de production, symptôme du passage violent d’un communisme où l’on partageait la misère à un capitalisme sauvage qui ne dit pas son nom et laisse la classe ouvrière sur le carreau.
Ici Bykov joue sur plusieurs tableaux. Déjà, il s’offre un décor de cauchemar souligné par une musique tout à fait assortie qui nous pénètre avant même que l’action se déroule. Et il va ensuite jeter le trouble dans les repères stéréotypés que le spectateur pourrait avoir. La milice patronale est-elle en accord avec la police ? Pas évident. Il y a toujours quelqu’un pour passer outre la voie hiérarchique et faire jouer ses relations. Glauque. La tension monte. Et avec elle, les désaccords éclatent.
Entre les mutins d’abord. Mais aussi dans les rangs de la garde rapprochée du boss. Les ennemis finissent parfois par avoir les mêmes réactions. Le suspense est permanent. La pluie aussi. Bykov parvient à conjuguer le film sociétal, le thriller et le film d’action. On voit les intérieurs miséreux chez chacun des kidnappeurs de fortune. On assiste par moment à de véritables séquences philosophiques. S’agit-il de revendiquer ses droits, de vengeance face au manque de considération ou l’amorce d’une révolution ? Le patron joue de sa ruse usuelle pour semer la discorde. Son sbire le plus fidèle vacille. En quoi être loyal à une telle crapule lui est-il profitable ?
Factory est un film qui brouille les pistes. Il est rythmé, haletant, avec des suspensions pleines de densité pour mieux nous replonger dans une action dont on sent que la fin ne peut être que tragique.
Il arrive à créer de l’inattendu sur une trame de départ souvent utilisée. Mais voilà, le talent est là, et ça fait toute la différence.
Françoise Poul
Bonus:
L'idiot !
- Nachalnik : le tout premier court-métrage du réalisateur Yuri Bykov
- Entretien avec Yuri Bykov, qui revient sur la conception du film (20 minutes)
- L'idiot ! - Primé au Festival de Locarno en 2014 , L'idiot narre l'histoire d'un plombier russe qui, au cours d'une inspection de routine dans un immeuble, découvre que celui-ci est sur le point de s’effondrer et d’ensevelir les 800 locataires qui y vivent. Une course contre la montre va alors s’engager….
Titre original : Завод, Zavod
Titre français : Factory
Réalisation : Youri Bykov
Scénario : Youri Bykov
Direction artistique : Sergei Rakutov
Photographie : Vladimir Ushakov
Montage : Anna Krutiy
Musique : Anna Drubich
Pays d'origine : Russie
Format : Couleurs - 35 mm
Genre : drame, thriller
Durée : 109 minutes
Dates de sortie : 4 avril 2019 (Festival international du film policier de Beaune 2019) ; 24 juillet 2019 (sortie nationale)
Distribution
Denis Shvedov : « Le Gris »
Andreï Smoliakov : Kalouguine, l'oligarque
Alexandre Boukharov : Terekhov (« Vodka »)
Vladislav Abashin : « La Brume »
Dmitriy Kulichkov : « La Vérole »
Ivan Yankovskiy : Vovka (le jeune metallo)
Alexander Vorobiev : « Le Gros »
Sergey Sosnovskiy : « Le Cosaque »
Ilya Sokolovskiy : le capitaine Dadakine
Aleksey Faddeev
Aleksey Komashko : « Le 7 »
Yury Tarasov : « Joyeux »
Kirill Polukhin : Andreïtch