« Chaque jour est un bon jour »
Il faudra plus de vingt ans à la narratrice, Noriko, pour en comprendre le sens. Noriko et sa cousine, Michiko, sont deux jeunes Japonaises qui ne trouvent pas le sens de la vie. Elles sont en quête, à la fin de leurs études, d’une voie ouvrant le chemin de leur existence. Michiko se voit dans l’import, Noriko aime l’écriture, mais ne trouve pas encore de métier à sa mesure, éditrice, écrivain ? Pour l’instant, au printemps de leur existence, elles décident pour s’occuper de suivre les cours de la cérémonie du thé de Madame Tanaka. La vieille dame appartient à un autre temps, salue autrement, remarquent les demoiselles. Peu à peu, les gestes, le sens de chaque instant envahissent et touchent leur âme. Peu à peu, elles se laissent pénétrer par l’apprentissage de la cérémonie du thé. Elles comprennent que cet art codifié, poussé à la perfection du geste, est bien plus que ce qu’il montre en apparence. Derrière se cache l’empreinte de la vie, du jardin qu’on dirait éternel. Chaque chose est à sa place, de la calligraphie accrochée à l’entrée, au bol qui change chaque année. C’est le murmure du ruisseau, le fracas de la cascade, le vent dans les branches, le poids de la neige. La nature rejoint les gestes cérémonieux pour embrasser chaque instant. Elles finiront par trouver bien plus qu’un cours pour demoiselles à marier. Elles embrasseront le sens de toute une vie.
« L’art du thé, c’est la forme. Le contenant dans lequel mettre toute mon âme. »
Le film nous entraine très vite dans la maison de thé. Il est adapté du roman de Noriko Morishita. C’est au cœur de la cérémonie du thé qu’il déroule son chemin vers la vie et l’éveil des sens. Comme les jeunes novices, c’est l’esprit calme et bousculé que nous entrons chez madame Takeda. Nous en sortons en comprenant qu’il existe bien plus dans une tasse de thé qu’un simple liquide. « Ne réfléchis pas avec ta tête. Laisse-toi imprégner. » La vieille dame sage agit sans violence ni fureur, tout en douceur. C’est par petites touches qu’elle perfectionne ces deux jeunes filles en quête d’un sens à donner à leur vie. Le bruit de l’eau, le geste parfait nous entrainent ailleurs, sur un chemin plus ardu, celui de notre accomplissement.
On retrouve avec plaisir la remarquable Kiki Kirin dans un jeu parfait, jouant aussi bien du langage que du geste. Haru Kuroki et Mikako Tabe interprètent avec talent ces deux jeunes filles universelles. « Pour gagner, il faut tomber. Mettez vos cinq sens en éveil et profitez de l’instant présent ». Le rythme des saisons, à chaque fois miraculeuses et émerveillement de l’âme, mesure le temps qui s’écoule comme la fontaine du jardin. La mise en scène est minimaliste, touchant, comme la cérémonie, à l’essentiel. C’est le son la vibration d’une branche, d’une louche de bambou sur le métal de la jarre d’eau, sur la pierre de la fontaine, sur le sol du tatami. La façon dont ces jeunes filles s’emparent des codes pour se les approprier en dit plus long sur leur existence intérieure. Il est aussi un éveil de nos cinq sens, au-delà de l’odorat et du goût.
Il fait vibrer nos trois autres, titille l’ouïe, attise le regard et fait frémir notre sens du toucher. Enfin, il est aussi la porte ouverte au sixième, l’esprit. Tout est dans l’instant. Le film nous berce et nous transporte ailleurs, dans un Japon millénaire et pourtant, en parfaite harmonie avec le présent. La nature et l’humain appartiennent à une seule et même entité, la vie, tout simplement. Il faut se laisser pénétrer par la beauté des images et du geste pour que Ce jardin qu’on dirait éternel résonne en nous. Il trouve lentement son chemin sur nos turpitudes existentielles pour nous apporter la seule réponse valable, « Préparez le thé comme si c’était la seule et unique fois. »
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : 日日是好日 (Nichinichi kore kōjitsu?)
Titre français : Dans un jardin qu'on dirait éternel1
Réalisation : Tatsushi Ōmori
Scénario : Tatsushi Ōmori d'après l'autobiographie de Noriko Morishita (ja)
Photographie : Kenji Maki
Montage : Ryō Hayano (ja)
Musique : Hiroko Sebu (ja)
Décors : Mitsuo Harada, Genki Horime
Costumes : Masae Miyamoto
Producteurs : Tomomi Yoshimura, Ryuji Kanai, Takahiko Kondo
Société de production : Yoake Pictures
Format : couleur - 1,85:1 - Son Dolby Digital
Pays de production : Japon
Langue de tournage : japonais
Genre : drame
Durée : 100 minutes (1h40)
Dates de sortie : 26 août 2020
Distribution
Haru Kuroki : Noriko
Kirin Kiki : Professeur Takeda
Mikako Tabe : Michiko, la cousine de Noriko
Mayu Harada : Tadoroko
Saya Kawamura : Sanae
Megumi Takizawa : Yumiko
Mizuki Yamashita (ja) : Hitomi
Fuyuka Kooriyama (ja) : la mère de Noriko
Chihiro Okamoto : le frère cadet de Noriko
Shingo Tsurumi : le père de Noriko
Mayu Tsuruta (ja) : Yukino