Putain…. 12 ans ! Le temps qu’il aura fallu à Richard LINKLATER pour mener son projet à bien. Pour un long métrage de 2h45. Ḉ’aurait pu être plus… ou moins. L’idée de base est donc un film de fiction, pas un documentaire, qui capterait la vie d’une famille sur douze années, en se centrant surtout sur la figure du garçon : Mason (Ellar Coltrane). Comment vit-on quand on est un petit garçon de 6 ans, un peu rêveur, avec une sœur casse-pieds, bruyante, agitée, et des parents séparés ? Le temps, un produit de luxe au XXIe siècle, va être le thème et l’allié du réalisateur dans son entreprise inédite. Il construit une histoire qui va incorporer les goûts et les évolutions des personnes-personnages tout en restant dans la fiction. Loin des « reality-shows » qui prétendent être au cœur de la vie en montant de toute pièce des scénarios pétaradants et vides, le film touche à l’universel en captant au plus près les événements de la vie de tous les jours, qui sont cependant le fruit de l’imagination de l’auteur. Pas de vagues, pas de sensationnel. Mais quelle finesse…
Comment la maman doit de toute urgence déménager face à un compagnon, violent. Comment le fait d’être ballottés de lieu en lieu rend la vie sociale des enfants difficile, il faut quitter son école et être une fois de plus un étranger dans la foule. Comment les proches, mêmes animés de bonnes intentions sont parfois pesants, telle la grand-mère maternelle. Boyhood touche à tout ceci et livre en creux différents portraits de l’Amérique. Le père, de retour d’Alaska veut se consacrer à une carrière de musicien mais redevenir aussi quelqu’un dans la vie de ses enfants même s’il ne vit plus avec eux. Pendant ce temps, la mère fait de son mieux pour assurer le quotidien et si possible une certaine sécurité pour les siens. En tentant de reprendre des études, elle va surtout prendre confiance en elle et, après quelques expériences malheureuses en amour, compter plus sur elle que sur un hypothétique protecteur, qui peut devenir dangereux.
Le temps, c’est aussi affaire de synchronisation. Sur la durée, les personnages changent. Pas de façon spectaculaire, non, mais en suivant leur chemin. Ce qui conduit le père à confier à son fils : « Je suis aujourd’hui le type que ta mère aurait voulu rencontrer il y a 20 ans »
On peut rester de marbre devant cette non-histoire ou au contraire être empli d’admiration face à ce travail titanesque mais délicat et en tout cas profondément humain.
A la sortie, le temps des questions commence. Mais comment a-t-il fait ? Linklater est apparemment un genre de récidiviste si l’on considère qu’il a déjà travaillé la matière temporelle avec la trilogie des Before (Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight).
Ce n’est pas un hasard non plus si l’on retrouve Ethan Hawke, son compère, dans le rôle du père. Il est intéressant de constater que la propre fille de l’auteur, Lorelei, a fait partie de l’aventure dans le rôle de Samantha, la sœur de Mason. Patricia Arquette, en mère courage soutient de sa présence charnelle, fragile et obstinée, battante et forte en même temps, cette famille aussi crédible qu’inventée.
Prenez, vous aussi, le temps de découvrir cette œuvre remarquable. Après tout, c’est l’été, cessez de courir et offrez-vous une belle tranche de vie et de cinéma.
Françoise POUL
Titre original : Boyhood
Réalisation : Richard Linklater
Scénario : Richard Linklater
Direction artistique : Rodney Becker
Décors :
Costumes : Kari Perkins
Photographie : Lee Daniel
Son :
Montage : Sandra Adair
Musique :
Production : Cathleen Sutherland et Anne Walker-McBay
Société(s) de production : Detour Filmproduction
Société(s) de distribution : IFC Films (États-Unis) ; Diaphana Distribution (France)
Budget :
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur -
Genre : Film dramatique
Durée : 166 minutes
Distribution
Ellar Coltrane : Mason Jr
Patricia Arquette : Olivia
Ethan Hawke : Mason Sr.
Lorelei Linklater : Samantha
Zoe Graham : Sheena
Tamara Jolaine : Tammy
Nick Krause : Charlie