Ils vivent dans l'ombre, ignorant parfois le mal qui les ronge, rejetés à la lisière d'une frontière ténébreuse de l'inconnu. Ils sombrent dans l'errance des premières tombes. Nul ne sait qui les a enfantés. Ils sont affamés, avides. Ils se cachent pour dévorer la vie, maudits par d'antiques dieux, bêtes immondes, cannibales sans âme. C'est autant de noms que hurle la foule découvrant leurs faces blafardes. Maren appartient à cette horde hétéroclite, en marge de nos sociétés bien ordonnées. Son père ne peut plus cacher l'étrange hantise de sa fille. Il doit fuir à son tour et l'abandonner à la vie sans faim ! Elle voudrait juste être une jeune fille ordinaire comme toutes ces vies qu'elle croise et qui la maudissent. Elle voudrait ne pas succomber à l'appel de la faim, obscurcissant, dominant son esprit, la poussant à dévorer l'autre. Elle croise la route d'un autre dévoreur, Lee. Il comprend que ce n'est pas un don, manger le père est une malédiction. Ces deux-là n'ont pas d'avenir, juste l'enfer ici-bas pour compagnon. Ce sont deux âmes perdues, éperdues d'amour, en quête d'une rédemption à travers les routes d'une Amérique d'hier et d'aujourd'hui. Ils trouveront peut-être la lumière à la place des ténèbres au bout de la piste, quand ils auront domestiqué le mal qui les grignote de l'intérieur.
« Comme nous » Bones and All.Le film démarre comme un teen movie sur le pont de Nantes, « non, non ma fille vous n'irez point danser ». Comme dans la comptine, Maren est interdite de sortie par son père. Elle s'empresse, la nuit venue, en pyjama, de débarquer chez sa copine. La première partie s'intéresse à cette jeunesse américaine ordinaire, entre soirées pyjamas et collège. Peu à peu, l'ambiance cède la place à une autre atmosphère, plus proche du film d'horreur. Nous comprenons que Maren porte une malédiction qui la place à part. Une envie désespérante de grignoter ses semblables, ce qui explique les déménagements à répétition. La mère est partie, sans doute hantée par le même sort. Le père finit par prendre la poudre d'escampette, de crainte d'être inscrit au prochain menu et n'en pouvant plus.
Jusqu'ici, dans une réalisation sombre de perdition, c'est un regard sur l'adolescence et son passage à l'âge adulte. C'est l'Amérique oubliée des âmes perdues. Le genre est utilisé comme dans Grave, pour nous raconter autre chose, la marginalité, la discrimination. Maren croise la route de Sully, un « comme nous », comme ils disent quand ils se trouvent et se reniflent. Il lui apprend à dissimuler sa vraie nature à vivre avec. Bones and All passe de la jeunesse à l'initiation et le conflit de sa nature dans des paysages d'une nature perdue comme les villes. Dans une troisième partie avec la rencontre de Lee, il se transforme et devient un road movie, une fuite. Les deux jeunes errent sur les routes et dans les villes, en quête d'une vie qui ne peut exister du fait de leur nature particulière.
Pourtant ils arriveront à créer un semblant de famille, de bonheur, mais pour combien de temps ? Luca Guadagnino est adepte des remakes, Suspiria de Dario Argento, et de l’adaptation Call me by your name et Bones and All. Il utilise le genre pour explorer d'autres pistes comme ici, la quête d'identité et sa place dans la société. C'est le fond qu'il creuse à travers la douleur existentielle de ses personnages principaux et secondaires. Il développe peu le clan des mangeurs, et certaines figures secondaires, à sa décharge ce n'est pas le sujet du film. Nous nous laissons facilement embarquer dans ce voyage dans les pas de Maren. Sans avoir la puissance de Grave et Titane de Julia Ducournau, Bones and All nous captive suffisamment pour tenir la route sans mourir de faim.
Patrick Van Langhenhoven
Note du support : n/a
Support vidéo : 16:9 compatible 4/3 format d'origine respecté 2.35
Langues Audio : anglais - français - Dolby Digital 5.1
Sous-titres : anglais - français
Edition : Warner Vidéo
Bonus du Blu-Ray et version 4K
1. Une plongée au cœur du film
2. Luca Guadagnino : sa vision de Bones and All
3. A la rencontre de Lee
4. A la rencontre de Maren
5. Des marginaux amoureux
Titre : Bones and All
Réalisation : Luca Guadagnino
Scénario : David Kajganich (en), d'après le livre Bones and All de Camille DeAngelis
Direction artistique : Victoria Resendez
Décors : Elliott Hostetter
Costumes : Giulia Persanti
Montage : Marco Costa
Photographie : Arseni Khachaturan
Production : Luca Guadagnino, David Kajganich, Francesco Melzi d'Eril, Lorenzo Mieli, Marco Morabito, Gabriele Moratti, Theresa Park et Peter Spears
Production exécutive : Giovanni Corrado, Jonathan Montepare et Raffaela Viscardi
Sociétés de production : Metro-Goldwyn-Mayer, Frenesy Film Company et Memo Films
Sociétés de distribution : United Artists Releasing (États-Unis), Warner Bros. (international)
Budget : 18 000 000 $5
Pays de production : Italie, États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur — 35 mm6
Genre : road movie, horreur
Dates de sortie : 23 novembre 2022
Classification : interdit aux moins de 16 ans
Québec : 13+
Distribution Taylor Russell (VF : Jaynélia Coadou) : Maren
Timothée Chalamet (VF : Gauthier Battoue) : Lee
Mark Rylance (VF : Gabriel Le Doze) : Sully
André Holland (VF : Jean-Baptiste Anoumon) : Frank Yearly, le père de Maren
Michael Stuhlbarg (VF : Bernard Gabay) : Jake
David Gordon Green (VF : Michel Lerousseau) : Brad
Jessica Harper (VF : Blanche Ravalec) : Barbara Kerns, la grand-mère de Maren
Chloë Sevigny (VF : Anne Dolan) : Janelle Kerns, la mère de Maren
Anna Cobb (VF : Alice Orsat) : Kayla, la sœur de Lee
Jake Horowitz (VF : Clément Moreau) : Lance
Kendle Coffey (VF : Mélissa Berard) : Sherry