1917 sur le front de la Somme, la bataille fait rage. Les Allemands viennent d’effectuer un repli stratégique que certains prennent pour une déroute. 1600 hommes s’apprêtent à livrer le dernier assaut pour mettre à bas les armées teutonnes. Ils ignorent que l’ennemi crée un nouveau front prêt à les anéantir. Cette charge risque bien d’être la dernière. C’est pourquoi le général, suite à des relevés aériens, envoie deux jeunes soldats pour éviter le pire. Will Schofield et Tom Blake devront parcourir le no man’s land, la terre de personne, traverser un village dévasté et trouver la compagnie perdue. L’enjeu de cette mission est de sauver la vie de nombreux jeunes soldats au cœur de l’enfer et de la mort. La route s’avère plus longue et les embuches plus nombreuses que prévu, comme si les dieux en avaient décidé autrement, comme pour L’Iliade, dans une odyssée aux confins de l’enfer.
1917 vaut bien plus que ces deux longs plans-séquences, défi technique et artistique. Il préserve la trame narrative renforcée par cette course folle pour que la vie triomphe au pays de la mort. C’est bien plus que sa référence au film de Spielberg et sa plongée ultra réaliste au cœur de la guerre. Cette expédition du dernier espoir est comme un cercle sans fin, un rocher de Sisyphe, un éternel recommencement. La trajectoire commence au pied d’un arbre dans un no man’s land mental du repos du guerrier. Elle s’achève de la même façon au pied de l’arbre de vie sans doute. La guerre devient un cercle perpétuel d’hier à aujourd’hui. Avant cela, nous aurons parcouru le pays de personne qui n’est pas si vide. Errant aux cœurs des tranchées abandonnées dans une vision d’apocalypse, nos deux jeunes recrues franchissent les barbelés et les trous d’obus, cimetières de soldats inconnus des deux bords. Ils pénètrent au cœur de la terre dans les souterrains d’Hadès, Pluton pour déboucher dans un Eden oublié.
C’est une petite ferme désolée, sans champ de blé où coule peut-être une rivière. C’est l’occasion de réfléchir pendant ce trajet à ce qu’est la guerre, de l’absurde à la folie. C’est la réflexion sur le monde, la vie et la mort au cœur de l’espérance qu’apportent ces messagers. C’est le premier plan-séquence dans les paysages dénudés, purgatoire de vie d’une France éventrée aux ombres solitaires. 1917 prend le chemin du réalisme avec des confrontations à un monde qui ne sera plus jamais le même. La guerre se couvre du manteau de la déraison et de toute la force de sa folie n’embrassant que le néant. Le second plan séquence se déroule après la traversée symbolique d’une rivière, Styx où l’Achéron fleuve du chagrin. Il débouche dans une partie centrale plus fantastique, voyage dans un village aux allures de néant. S’ensuit la découverte d’une jeune fille et les offrandes du jeune soldat à cette déesse, espoir de la vie. C’est une très belle séquence qui débouche sur une course poursuite remarquable.
C’est enfin la fin de quête, le messager porte dans sa main la vie et la mort, les enfants de la guerre. Un autre plan séquence magnifique, longue course folle sur fond de charge inutile. Au bout de la route il retrouve l’arbre de pour s’abreuver de nouveau des larmes de l’oubli. Les herbes frémissent encore, les coquelicots parsèment de rouge les champs d’herbes folles, annonçant déjà l’été. 1917 est bien plus qu’un exercice de style, comme Les croix de bois, Les sentiers de la gloire, Il faut sauver le Soldat Ryan et bien d’autres films dénonçant l’absurdité de la guerre. Il est peut-être temps, à l’aube du vingt-et-unième siècle de se poser au pied de l’arbre pour voir fleurir le printemps nouveau.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : 1917
Réalisation : Sam Mendes
Scénario : Sam Mendes et Krysty Wilson-Cairns
Musique : Thomas Newman
Direction artistique : Dennis Gassner
Décors : Dennis Gassner et Lee Sandales
Costumes : Jacqueline Durran
Photographie : Roger Deakins
Montage : Lee Smith
Production : Pippa Harris, Callum McDougall, Sam Mendes et Jayne-Ann Tenggren
Coproducteur : Michael Lerman
Sociétés de production : DreamWorks SKG, Reliance Entertainment, New Republic Pictures, Neal Street Productions et Amblin Partners
Société de distribution : Universal Pictures (États-Unis et France)
Budget : 90 millions de dollars2
Pays d'origine : États-Unis, Royaume-Uni
Langue originale : anglais
Genre : guerre, drame
Durée : 119 minutes
Dates de sortie : 15 janvier 2020, Québec : 10 janvier 2020
Distribution
George MacKay (VF : Charlie Fabert ; VQ : David Laurin) : le caporal William Schofield
Dean-Charles Chapman (VF : Felix Lebert-Kysyl ; VQ : Louis-Philippe Berthiaume) : le caporal Toù Blake
Mark Strong (VF : Bernard Gabay) : le capitaine Smith
Richard Madden : le lieutenant Joseph Blake
Andrew Scott (VF : Jean-Christophe Dollé ; VQ : Nicolas Charbonneaux-Collombet) : le lieutenant Leslie
Claire Duburcq (VF : elle-même) : la femme d'Écoust
Colin Firth (VF : Christian Gonon ; VQ : Jean-Luc Montminy) : le général Erinmore
Benedict Cumberbatch (VF : Jérémie Covillault ; VQ : Tristan Harvey) : le colonel MacKenzie
Daniel Mays (VF : Pierre Yvon) : le sergent Sanders
Nabhaan Rizwan : Sepoy
Jamie Parker : le lieutenant Richards